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Chiloé

Nous passons une semaine sur l’ile de Chiloé, nous déplaçant en stop, de village en village…

Une ile où se confondent la terre et la mer. Nous ne savons pas sur quels éléments nous allons devoir rouler, naviguer au prochain tournant. Quand la pluie et le vent soufflent et se mêlent, c’est toute la nature qui crie, court, galope comme un cheval sauvage ou comme un taureau énervé. Mais c’est dans cette inhospitalité de l’hiver que ce monde est beau.

En été, nous dit-on, les touristes accourent par centaines, par milliers, peut être plus encore. En hiver, ils fuient. Nous comprenons pourquoi. Le froid et le vent, accompagnés d’une pluie incessante, réalisent un fabuleux travail de sape pour vous faire regretter de ne pas être venu plus tôt. Cette nature, c’est un peintre surréaliste qui s’exprime. Avec toute sa passion, son amour, sa tristesse, sa rage, sa générosité.

Bleu, gris, vert.

Castro – Capitale de l’ile

Célèbre pour ses maisons colorées, construites en bois sur pilotis : les Palafitos.

Quand le soleil sort, la ville est agréable, les couleurs sont plus vives. Des pêcheurs bricolent leurs bateaux, des charpentiers sont à l’œuvre. On répare les pilotis. Tout le monde sort et s’active avant la prochaine averse.

Nous commençons la visite de la ville sous un timide soleil mais qui part ici, sonne comme une promesse de vie.

Sur la route des églises

Les chapelles

Loin d’être grises

Mais couleur arc en ciel

Guident la ville pour son éveil

Entre la pluie et le soleil.

Chonchi – plus au sud

L’hiver a tout arrêté ici. Nous observons depuis notre fenêtre, la plage de galets que des goélands sillonnent à la recherche de crabes. Nous avons réussi à nous dégoter une chambre confortable dans une belle maison d’hôte. Même si le propriétaire nous avoue qu’ils ne sont pas prêts pour accueillir pendant l’hiver, nous nous sentons à notre aise. Une chambre donnant directement sur la plage : quelle vue ! L’hiver donc, puisque tout le monde n’a que ce mot à la bouche, les villages sont fermés. Les maisons de bois paraissent laissées à l’abandon. Les chiens veillent dans les rues, courent après de turbulentes voitures. Les pêcheurs fument en regardant l’horizon. Un cormoran se sèche les ailes. De petits rapaces observent le mouvement des pêcheurs, à la recherche d’un poisson oublié.

Nous jouissons d’un deuxième jour sans pluie, ou presque. Nous sortons sur la plage, à l’affut d’un possible trésor échoué.

Une certaine ambiance règne. Peut-être celle qu’on ces petits ports de pêche, en hiver, que le temps à parfois oublié. Un fort parfum d’iode et de marée flotte dans les rues. On écoute le bruit des vagues, des moteurs de bateaux et les cris des goélands venus chaparder quelques miettes.

Notre hôte nous dira qu’ici, il n’y a pas grand chose à faire en hiver. Toujours l’hiver, encore cet hiver.

  • « Nous n’avons que trois mois d’été, ensuite l’ile se vide, les touristes ne viennent plus et la vie se fait plus rare. »

Quand il n’y a pas de touriste, l’ile vit grâce aux élevages de saumons. En quelques années le Chili est devenu le 2ème producteur de saumons d’élevage de la planète. Depuis la salle à manger, on en voit quelques uns, au loin. Le saumon fait vivre les habitants de l’ile mais quand ils s’échappent de leurs enclos (ce qui arrive régulièrement, nous avoue Brian, notre hôte) les saumons mangent tout ce qu’ils trouvent. Puis leurs déjections acides attaquent les fonds côtiers.

Comme souvent le choix entre l’économie et l’écologie est rapide, trop rapide.

Hiver pluvieux

Et galets froids

Goélands vicieux

Chiens qui aboient.

L’hiver, Chiloé se renferme et se meurt

C’est le vent et les nuages qui grisent le cœur.

Queilen – toujours plus au sud

Ici, les maisons nous font penser à des bateaux qu’on aurait retourné sur la plage pour l’hiver. Les maisons sont petites, voutées. Comme si elles faisaient le dos rond, pour mieux supporter les assauts de mère nature.

Après une journée pluvieuse, de retour à Chonchi, prendre une douche chaude, se réfugier dans un lit et avoir en face de soi une fenêtre donnant sur la mer. Quoi de plus reposant ?

Du lit on ne voit pas la plage de galets, seulement la mer et l’horizon pour paysage. C’est comme si nous étions dans la cabine d’un bateau, l’onde maritime en moins.

Cucao – à l’ouest

Ouvert sur le Pacifique, ce hameau composé d’auberges fermées et de restaurants tout aussi actifs, est balayé par un puissant vent nord-ouest. Nous découvrons le parc national de l’ile : une forêt primaire, abritant une faune et une flore endémique. La chance nous échappe et malheureusement nous marchons la journée sous une pluie froide et vicieuse. Les gouttes tombent comme une volée de flèches et les bosquets humides ne peuvent nous protéger très longtemps.

En rentrant dans le petit village, dans la modeste cabane qu’une famille nous loue, nous enlevons nos vêtements détrempés et les laissons sécher au dessus du poêle à bois.

La nuit, dans notre cabane en bois, les murs tremblent. Ségo se recroqueville sur moi. On a l’impression que le toit va s’arracher. Les murs tremblent, le bois craque, le vent hurle.

Dans ces moments d’insomnie, relayés par le doute et l’inquiétude, l’esprit vagabonde entre le rêve et la réalité, confondant parfois les deux. Je me voyais au loin, surveiller le présent, prévenant le futur, maudissant le passé. Soudain c’est la terre qui gronde, les murs de la cabane qui s’écroulent, on crie, on a froid ! … Non, ce n’est qu’un rêve. Je me remet sous la couverture, qui était tombé et me ressers contre Ségo, qui dort, dort, dort…

Chiloé, mon cœur s’est oublié.

Chiloé … comme une chanson murmurée.

Chiloé, sans le é.

L’hiver passe, les maisons de bois fument, les chiens sont mouillés, il pleut.

La nature est en colère, sévère, meurtrie ailleurs, le vent souffle chassant notre visage de son refuge sauvage et reculé.

Dalcahue – Au nord de l’ile - Cocinera Dona Maria

Je prends un Curanto. Des moules plus grandes que ma main, des coquillages gourmands, une côtelette de mouton, une cuisse de poulet, une saucisse fumée, une grosse pomme de terre et deux galettes de céréales trônent dans mon assiette. Devant ce généreux amas de nourriture, dont je pensais le mariage impossible avant aujourd’hui, je dois me résoudre à dire que c’était bon ! Le fort gout de fumé et de gras, laissent en fin de bouche des touches iodées. Une telle spécialité ne pouvait être autre. En un plat, ils résument la géographie de leur terre.

Après une semaine, nous remontons au nord de l’ile pour retourner sur le continent. Malgré le mauvais temps, l’ile nous a laissé un parfum romantique, parfois magique, très agréable.

A présent nous nous trouvons à Puerto Montt, la porte d’entrée pour la Careterra Austral. Une route serpentant sur plus de 1000km entre des fiords et des volcans. Le vrai sud s’ouvre enfin, Patagonie nous voilà !


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